De nouveau l'Ether frémit, car voici maintenant que certains s'offusquent de ce
poétique aparté et craignent pour la suite une narration peut-être osée de ce qu'il
pourrait advenir dans ce contexte de la rencontre d'une Georgette dans leur esprit jeune
& jolie et d'une robuste et saine carotte à la peau douce quoique terreuse, pendant
que personne ne regarde (ou pire, si l'innocente grand-mère que l'on pressent non loin
est déjà à sa fenêtre, encore ignorante du complot ourdi entre son indigne
progéniture et ses faibles artères dans le but abject de très sûrement hâter
l'approche de son inévitable trépas). Détrompons ces prudes (je n'oserai pas les
qualifier de pervers; il me faudrait les connaître mieux): qu'ils rangent leurs kleenex,
je ne torche pas de cette prose-là! D'ailleurs Georgette est une vache, de la race des
grosses laitières à l'oeil torve, une infortunée créature d'on ne sait quel
dieu dédiée à passer sa vie dans un pré boueux en regardant avec envie tout ce qui
bouge plus vite qu'elle, tout en poussant au gré des échos que font naître dans son
crâne vide les frémissements aléatoires de son système nerveux des mugissements
pitoyables de pauvreté sémantique.
Action: alors qu'en ce matin-là Georgette allait son chemin de ronde coutumier le
long des lignes électrifiées qui délimitent par la douleur son domaine d'interaction
avec l'Univers, son regard vif et léger (ceci selon les critères bovins usuels; nous
dirions: vitreux) tomba sur les formes rondes & colorées de Marie alors toute
occupée à respirer l'air frais, à la façon des carottes au printemps. Aussitôt (du
moins dans l'échelle des boeufs & vaches; nous dirions: un moment plus tard)
l'éducation stricte de Georgette la conduisit à initier un échange mondain d'idées
convenues, ainsi qu'il est de bon ton entre gens du même pré. Elle pris donc la parole
de sa voix grave et hésitante en expectorant quelques touffes d'herbe à demi digérées
qui filèrent tout azimuth renseigner les cieux sur la nature de son régime alimentaire
ainsi que sur la permanence fâcheuse en ses poches stomacales de remugles nauséabonds.
Fin
de l'inspiration