Aujourd’hui Rinpoche nous a fait tout un enseignement sur Veerappan et les moeurs de la police indienne.
Vous n’avez pas oublié Veerappan, ce bandit des grands chemins qui braconne l’éléphant pour son ivoire, fait du trafic de bois de santal, et enlève des chanteurs et ministres pour réclamer des rançons. Tout cela dans les montagnes du Nilgiri, à la frontière entre le Karnataka et le Tamil Nadu.
Or, c’est justement là que se situe le territoire de Dhondenling, peuplé de réfugiés tibétains. Du monastère Dzogchen, qui surplombe de sa colline la plaine doucement vallonnée, on jouit aussi d’une vue sur les superbes Monts Nilgiri, recouverts de jungle et refuge de Veerappan et de sa tribu.
On soupçonne celui-ci d’avoir des liens avec le LTTE (Front de libération des Tigres Tamoul) qui milite pour un état du Tamil Nadu indépendant. Ce soupçon s’est trouvé renforcé après l’enlèvement du ministre Nagappa, du Karnataka, retrouvé mort dans la jungle quelques semaines plus tard.
Et malgré les recherches intensives de la police, Veerappan court toujours dans les Monts Nilgiri.
Cette sombre histoire a eu pour conséquence un renforcement de la présence policière dans la région, et par ricochet, des nouvelles tribulations pour nous. En effet, la police vient d’inventer un nouveau jeu, celui de l’épouvantail, avec dans le rôle de celui-ci, Veerappan lui-même.
Aux dire des forces de l’ordre, Veerappan aurait l’intention de kidnapper des Occidentaux, et donc, sous prétexte de nous protéger, cette même police nous tombe dessus à la moindre occasion. Depuis l’hiver dernier déjà, nous sommes complètement cloîtrés dans le monastère, afin d’éviter toute tentative d’enlèvement!!!

Et voici le dernier épisode de cette aventure : notre ami Emmanuel revenant de France, a désobéi aux consignes - ne plus prendre le bus local, nous déplacer uniquement en taxi aux vitres teintées, et surtout ne plus nous faire voir au petit village d’Odyerpalaya - et après avoir pris le bus à Kollegal, il est arrivé justement à Odyerpalaya où il a été immédiatement repéré par la police, qui l’a laissé partir après avoir noté son nom et relevé le numéro de son passeport.
Mais dès le lendemain, cette même police débarquait au monastère. Nous nous sommes donc retrouvés bouclés dans le Temple, pendant que Rinpoche recevait ses interlocuteurs. L’officier de service, accompagné de deux policiers armés, expliqua qu’il venait chercher Emmanuel pour l’emmener au poste de police, au motif que celui-ci risquait d’être enlevé par Veerappan! La police se devait d’assurer sa protection d’où la présence des gardes du corps en arme!
Bref, Rinpoché leur assura qu’Emmanuel avait quitté le monastère, mais il était difficile de nier la présence d’Occidentaux, à cause des demandes de permis de séjour officielles déposés par le monastère. Rinpoché dut bien avouer qu’il y avait 25 Occidentaux qui effectuaient une retraite. Alors, l’officier affirma qu’il allait envoyer autant de gardes du corps, pour assurer notre protection!!!
Rinpoché nous conta tout cela pendant l’enseignement, précisant qu’il ne croyait pas un mot de toute cette histoire, que la police brandissait Veerappan comme un épouvantail pour nous faire peur et nous soutirer de l’argent. Car en fait, la police locale, a pour habitude de racketter le monastère sous prétexte de relations amicales. Les policiers s’invitent pour manger, demandent des "cadeaux" comme du mobilier, des vêtements, des tapis et Rinpoché donne pour ne pas se mettre à dos ses encombrants amis, bien plus dangereux à ses yeux que le Robin de Bois local.

Rinpoché nous a affirmé que nous n’avions rien à craindre de ce bandit, qui ne s’était jamais attaqué aux tibétains, ni aux habitants des villages indiens. Mais que par contre nous avions tout à craindre de nos supposés gardes du corps!