Ma série de petites chroniques ne serait pas complète si je n’abordais pas le sujet de la « gastronomie » tibétaine ( ???)

Beaucoup d’entre vous connaissent certains aspects de la cuisine tibétaine, tels le célèbre thé beurré et la tsampa. A propos du thé tibétain je les ai bien fait rire le jour où je leur ai demandé s’ils mettaient bien du beurre de yack dedans. Evidemment le yack étant un male ne donne pas de lait. Seuls les Occidentaux font mention de beurre de yack. En fait, il s’agit de lait de la femelle, « dri », et comme mes réfugiés sont khampas, ils disent « di ». Cette mise au point étant faite, j’ai fini par apprécier ce breuvage. Quant à la tsampa, les tibétains la consomment de différentes manières mais la plus courante consiste à l’agrémenter de thé, de beurre, de fromage et de sucre, puis à la malaxer pour en faire une pāte épaisse que l’on ingère ainsi. Inutile de dire que c’est un mets très « calant ». La deuxième manière est tout à fait spéciale : on met de la tsampa dans un bol, et on la tasse bien. On verse dessus du thé qui va imbiber juste la surface de la tsampa, puis on lape le thé (mais oui, avec la langue !), et on enlève en même temps la première couche de tsampa imbibée (vous suivez ?) . Ensuite on renouvelle l’opération autant de fois que nécessaire jusqu’à la fin du bol (Je sais ceci mérite une démonstration !) Dans le registre des légèretés, nous pouvons noter l’un des plats favori des tibétains, qui consiste à préparer des pātes, dans une sorte de sauce un peu épaisse, dans laquelle on ajoute des patates (mais oui !) et que l’on sert avec ... du riz !( oui ! oui !). J’avoue que je n’ai pas encore réussi à m’y faire, j’essaie d’éviter ce mélange diabolique chaque fois que je le peux. Récemment, invitée chez des amis tibétains, je fus fascinée par l’enfant de la famille qui ingurgitait une énorme assiette de riz, que sa mère avait généreusement arrosée de nouilles aux patates, et qui en a redemandé, refusant catégoriquement toute autre nourriture.

Le petit déjeuner type, du moins chez les khampas, consiste en « palai », pain plat cuit à la poêle (les tibétains ne connaissent pas le four), accompagné d’omelette, ou de beurre. Je confectionne pour Nyima de petits « palai » un peu épais, sur lesquels il découpe un couvercle, il pose sur la mie intérieure un grosse cuillère de beurre qu’il laisse fondre. Ensuite il malaxe cette mie de pain pour en faire des boulettes. Délicieux mais pas franchement diététique. Lorsque ces pains sont cuits à la vapeur, on les appelle des « timomo », et ils sont parfaitement indigestes pour mon estomac d’Occidentale.

Et enfin pour en finir avec la « cuisine légère », les soupes, la fameuse « thukpa » qui est un bouillon dans lequel on a cuit quelques bouts de viande (gras), un petite poignée de légumes, et une grosse poignée de pātes ! La « thukpa » doit être consistante au point qu’on puisse la manger avec des baguettes ! Il y a aussi la « thentuk », et savez-vous ce qui différencie la « thentuk » de la « thukpa » ? Rien ! en fait c’est la même recette, la seule chose qui change c’est la forme des pātes.

Sinon, les tibétains apprécient beaucoup les légumes sautés à la poêle, à peine cuits, à la mode chinoise, des nouilles sautées avec des petits légumes (chowmein) ­ en fait, c’est souvent une thukpa dont on a enlevé le bouillon ! - et bien sūr, le mets national, les fameux « momos », raviolis fourrés à la viande et cuits à la vapeur ; ça, c’est vraiment bon ! Sinon, pour le Lösar, ils confectionnent des « kabse », qui ressemblent furieusement à nos oreillettes, mais qui, selon la préparation, se révèlent si durs que l’on s’y casse les dents.

A vrai dire, on a assez vite fait le tour de l’art culinaire tibétain, mais depuis qu’ils ont réfugiés , ils ont adoptés quelques plats locaux indiens, ce qui permet de varier quelque peu les menus.

Il y a pourtant quelque chose de délicieux que j’ai consommé : il s’agit de petites racines semblables à de gros vers, appelées « tromas », que l’on ramasse juste avant le Lösar. Elles sont ensuite cuites et conservées dans du beurre, puis sont servies avec du sucre et du yaourt. Elles ont un délicieux goūt de chataîgne. Mais il faut prendre soin de bien les égoutter avant, ce que ne font pas les tibétains qui les consomment baignant dans leur « jus » de beurre.

Et j’allais oublié la dernière friandise que je viens de goūter : il s’agit de momos fourrés à la... tsampa sucrée et beurrée !.

Evidemment, leur cuisine, riche en graisse et en sucres lents, était adaptée aux rigueurs du climat d’altitude, et elle devient difficile à maintenir en pays tropical, mais on ne change pas les habitudes si facilement.

Alors lorsqu’on vit avec eux, une seule solution... faire comme moi : prendre les choses en main, au sens propre, c’est à dire se mettre aux fourneaux ! Et dans le registre de la cuisine française, savez-vous ce qu’ils préfèrent ? Les frites ! bien sūr ! que l’on appelle ici les « french frieds ».


...le même jour:

je quitte la chaleur tropicale du sud de l’inde pour une petit sejour dans les frimats himalayens - le voyage est long, je ne serai pas joignable avant 4 jours - amities - Germaine