De Pondichéry



La population ici est encore très choquée par le tsunami qui alimente toutes les conversations, véhicule les histoires les plus folles, comme celle de cette femme qui a sauvé 8 enfants avant de périr, ou bien celle de ce Tamoul, parti travailler en Thaïlande, et qui a pu avertir son village de l’arrivée de la vague.

Au mieux les gens ont eu très peur, au pire ils ont perdu des proches ou des amis.

Mais miraculeusement, la ville n’a subi aucun dégāt. L’explication ? Je l’ai trouvé dans ce texte :

Pondichéry sauvée par sa jetée

PONDICHERY, Inde (AP) - Les plus mystiques pensent qu’une intervention divine a sauvé Pondichéry de la destruction le 26 décembre. Mais les petits vendeurs du front de mer assurent que c’est un miracle français.

Beaucoup pensent que l’héritage de l’ancien Comptoir des Indes a préservé la ville du désastre: l’imposante digue de rochers construite sous l’empire colonial français et son port naturel en eaux profondes ont protégé le centre historique de Pondichéry, resté indemne malgré l’assaut de vagues dépassant la normale de plus de sept mètres.

Le tsunami qui a frappé la côte sud-est de l’Inde le 26 décembre a tué 600 personnes à Pondichéry, pour la plupart des pêcheurs qui vivaient dans des villages voisins.

Le 26 décembre, quand les vagues ont attaqué le rivage, la digue a tenu. L’océan est revenu à la charge à deux reprises avant de se calmer, raconte le vendeur du front de mer.

Mais la profondeur du port a joué aussi un rôle important. Le brusque à-pic sous-marin se transforme en "mur" qui casse les vagues avant qu’elles ne viennent frapper les rochers. L’eau monte quand même, mais sans les vagues puissantes qui ne peuvent se former que lorsque le fond s’élève en pente douce de l’océan à la plage.

Mais à Pondichéry, tout le monde ne croit pas que la digue a sauvé la ville. Au coeur du Quartier français se trouve l’ashram (retraite religieuse), fondée en 1926 par le gourou indien Sri Aurobindo, un révolutionnaire anti-colonial devenu philosophe et religieux. L’ashram attire des pèlerins du monde entier et ses dévots attribuent le salut de la ville à Aurobindo et son épouse d’origine française, qu’ils surnomment la Mère.

"Je suis sūr que vous ne le croirez pas, mais c’est la Mère qui a protégé la ville", assure S. Ramanathan, un vieux dévot qui vit et travaille à l’ashram. "Je vis dans un endroit très protégé, alors nous n’avons pas du tout été touchés par le tsunami". AP


Il est vrai que je ne suis pas loin de croire à cette dernière explication car le jardin de la guesthouse de l’Ashram, qui se trouve en bordure de plage, est absolument intact, or, à cet endroit, le niveau de la mer est presque à la même hauteur que le jardin !

A Pondichéry, il est difficile d’engager une conversation sans que le tsunami ne vienne l’alimenter, tant les gens ont besoin d’exprimer leur angoisse.

Le serveur d’un petit restaurant me montrait le niveau qu’avait atteint l’eau, qui franchissant la jetée, avait envahi son restaurant. Mais lorsque la mer s’était retirée, il avait observé de nombreux poissons échoués sur les rochers. Quoique son restaurant ait été végétarien, il n’avait pas résisté à la tentation d’aller les ramasser, échappant de peu à la deuxième vague arrivée derrière. De nombreuses personnes ont ainsi péri sur la côte, emportées par une deuxième vague, alors qu’elles essayaient de récupérer des biens ou du poisson après la première vague. Mais notre jeune serveur s’en est tiré de justesse.

Les morts enregistrés sur le territoire de Pondichéry sont donc les habitants des villages de pêcheurs situés soit au nord, soit au sud de la ville. La plupart des pêcheurs étaient partis en mer ce matin là, aucun n’est revenu. Le village de Cuddalore, à peine 10km au sud de Pondichéry, a été en partie détruit et on compte de nombreuses victimes, particulièrement des enfants. Ils n’ont pas ressenti le danger comme les adultes, et souvent n’ont pas eu le temps de se mettre en sécurité.

A Madras, beaucoup d’enfants jouaient sur la plage ce matin là, ils ont tous été emportés.

Le lendemain, je suis partie pour Auroville ( à la sortie nord de Pondichéry) avec Sekar, un rickshaw-wallah que je trouvais sympathique. Je devais déposer des fonds que l’on m’avait envoyés, chez une personne que l’on m’avait indiquée. Elle m’assura que la collecte en cours allait servir à remettre en état l’école et à acheter des uniformes et des fournitures scolaires pour les enfants qui ont tout perdu.

Ma mission accomplie, je suis allée me promener sur la plage pour prendre des photos des dégāts. Sekar ayant compris ce que je faisais, entreprit de me conter les malheurs d’un ami pêcheur de son village ; Ce dernier avait perdu des biens, notamment ses filets de pêche, et endommagé son bateau. IL n’était pas parti à la pêche ce jour-là ce qui lui avait sauvé la vie. J’ai demandé à Sekar si je pouvais voir son ami et son village. Il n’était pas franchement d’accord, car disait-il, je risquais d’être sollicitée par de nombreuses personnes. Finalement il accepta. Son ami n’était pas là, et le village quasiment désert. Sékar me fit visiter le village : des bateaux, emmenés par la mer, gisaient en plein coeur des habitations. Les frêles cabanes de pêcheurs au toit de palmes avaient été éparpillées tout au long de la plage, mais les familles avaient récupéré leurs maigres biens. Seuls des filets de pêche emmêlés et agglutinés à la végétation témoignaient de l’existence des pêcheurs.

Un homme au regard terne, contemplait les ruines de sa maison. Il m’expliqua que ce sont les bateaux , charriés par la vague, qui ont fait boutoir sur les murs de son habitation, provoquant leur destruction.

Sekar me montra l’endroit où il se tenait le matin du 26 lorsque la vague est arrivée. Il me raconta comment il avait entendu un énorme bruit venant de la mer, comment il avait récupéré sa femme et ses enfants et fuit à l’intérieur des terres : « les gens couraient de tous les côtés, ne sachant pas trop où aller j’ai eu de la chance de pouvoir m’enfuir a temps, et mon ami de ne pas être allé à la pêche ce jour-la, car tous les pêcheurs partis en mer ont disparu ! »

C’est hélas le sort qu’ont subi la majorité des victimes, des pêcheurs, laissant derrière eux veuves et orphelins..

J’ai donc donné un peu d’argent à Sekar pour son ami, et le lendemain matin, ils sont venus tous les deux à la guesthouse, avec les enfants, pour me remercier. Ils m’ont montré le visage écorché du garçon qui, rattrapé et ballotté par l’eau, a été rossé contre un mur.

Je suis ensuite partie avec Sekar pour déposer le reste de la somme que l’on m’avait remise. Je me suis rendue dans de nombreux bureaux, renvoyée de l’un à l’autre, et finalement, on m’a demandé de déposer l’argent dans une banque qui m’a donne un chèque que j’ai pu remettre le plus officiellement du monde au bureau du « chief minister », en quelque sorte le gouverneur de Pondichéry, réputé pour son intégrité.(dixit un français vivant sur place)

Cet argent, m’a-t-on dit, serait affecté au relogement des sinistrés.


J’ai donc pu constater que les autorités indiennes avaient une parfaite maîtrise de la situation et que le plus important à présent, est de travailler à la reconstruction des habitations pour les sinistrés survivants. Le problème des nombreux enfants orphelins a également été pris en charge par le gouvernement indien.


La vie ici a repris son cours, malgré le traumatisme subi, avec une apparente indifférence, ou, pourrait-on dire, un certain fatalisme. Il est vrai que l’Inde, est habituée aux cataclysmes de toutes sortes : le cyclone suivi d’un raz de marée en 1999, qui a dévasté l’Orissa, a fait 28000 victimes, le tremblement de terre du Gujarat en 2001 en a fait a lui seul plus de 100 000, sans compter la catastrophe industrielle de Bhopal avec ses 30000 victimes alors pour les indiens, le tsunami et ses 15000 morts ne figure pas en tête du palmarès des plus grandes catastrophes !


- un bateau dans le village

- le village de pécheurs

- les rescapés que j'ai aidés