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Lors de linvitation quil mavait envoyée, le secrétaire du monastère mavait parlé de la nouvelle guesthouse à peine finie que je devais "inaugurer". En fait, elle est bien finie mais manque lautorisation du branchement électrique par les autorités indiennes.
Je suis donc logée dans une "chambre" provisoire, qui semble bien devenir définitive au fil des jours, dans lancien monastère où se trouvent encore les moines, les nouveaux bātiments, plus haut sur la colline, nétant pas terminés.
Mais je ne men plains pas car je suis au cœur de la vie monastique, un peu bruyante parfois il est vrai.
Donc le matin très tôt nous partons pour lUniversité de Sera où le Dalaï Lama enseigne.
Choekyi me presse pour mon petit déjeuner que je dois prendre sous ses yeux, si bien que ma petite ruse de dissimulation ne prend plus. Je dois tout avaler !
Choekyi a 33 ans, et il est dans ce monastère depuis lāge de 14 ans. Alors , vous pensez bien que cest son affaire. Il a déjà les tics qui préfigurent le vieux moine bougonnant quil sera plus tard.
Lorsque je le remercie des attentions quil a pour moi, il me dit simplement : « Cest mon travail », et tout est dit. Et voilà, il faut sy faire, ce nest par sympathie que Choekyi me sert des repas pantagruéliques, me transporte sur sa moto, massiste pour que je prenne une douche chaude, non, cest par devoir.
Choekyi cest la discipline monastique incarnée, mais cela me plait beaucoup.
A propos de douche, dailleurs, ses attentions prennent quelquefois une tournure inattendue. Jai eu le malheur un jour de dire à Choekyi que javais besoin deau chaude pour me laver la tête. En effet, la salle de bain attenante à ma chambre ne fournit que de leau froide.
Choekyi est allé me chercher un seau deau chaude, mais comme cest un perfectionniste, il a aussi cherché une solution plus pratique. Il est donc revenu le lendemain porteur des clés dune chambre de la nouvelle guesthouse, car si elle na pas lélectricité, elle de leau chaude fournie par le solaire.
Il y avait tout de même deux inconvénients : cétait le soir et il faisait déjà nuit, et la nouvelle guesthouse se trouve à lopposé de mon logis, à presque un quart dheure de marche (je ne vous lai pas dit, mais le monastère possède de vastes terrains)
Donc, il nétait pas question que Choekyi me laisse partir seule pour cette expédition. Munie dune lampe torche et de mon nécessaire de toilette, jai donc suivi mon moine-gardien le long dun chemin caillouteux, regrettant presque ma douche froide.
Nous avons ouvert une chambre, et Choekyi a tenu à sassurer de la présence deau chaude par lui-même, des fois que je naurais pas été capable de trouver le bon robinet. En fait de robinet, à force de les tripatouiller tous, il a enclenché celui qui commandait la pomme de douche juste au-dessus de ma tête, où je me tenais avec la torche pour léclairer. Pour être douchée, je fus douchée !
Jai tout de même pris une vraie douche après, et suis revenue par le chemin caillouteux enveloppée dans ma serviette de bains, mes vêtements trempés à la main, toujours guidée par limperturbable Choekyi.
Après le petit déjeuner, je pars donc dans la grosse voiture où je me loge en compagnie du khenpo et des plus vieux moines.
Le reste du contingent des moines, jusquaux plus petits, sont entassés dans une remorque tirée par un tracteur.
Le monastère est situé à First Camp, qui doit son nom au fait que ce fut le premier camp de réfugiés établi sur le territoire de Bylakuppe. Logique, non ?
Depuis cest devenu un village, véritable centre administratif de la colonie, avec ses commerces et ses "Cybercafé", mais il a gardé son nom. Dailleurs les Tibétains ne se sont pas embêtés à donner des noms à leurs camps, qui sappellent : Camp 2, Camp 3, Camp 4, etc. On a même le New Camp 4! Javoue ne pas savoir où ça sarrête. Les camps sont espacés les uns des autres par 2km environs.
Donc, nous quittons First Camp, passons devant Camp 2, puis au Camp 4, nous tournons pour emprunter la route qui va jusquà Sera. Là, tout le long, nous roulons entre deux rangées de "robes brunes", ce sont les moines et nonnes de Namdroling qui remontent à pied les 2km qui séparent leur monastère de Sera.
Alors, pour savoir : si Sera est le plus grand monastère Gelupa établi en exil, Namdroling est le plus grand de lécole Nyingmapa, cest celui de Pénor rinpoché, chef actuel de la lignée Nyingma.
Il y a plus de 5000 moines à Sera, et presque 4000 à Namdroling, sans compter les 450 nonnes.
Ajoutons à cela tous ceux qui viennent des multiples monastères alentours comme le nôtre, cela fait du monde, et sur la route, cest une vague déferlante rouge qui sécoule jusquà Sera.
Aux abords de Sera la foule se densifie au point quil devient presque impossible de rouler.
Les enseignements sont donnés dans un nouveau temple de "plein air", cest à dire quil ne comporte que le mur du fond et le toit porté par des piliers, le reste étant ouvert sur lextérieur, si bien que nous pouvons nous étendre largement sur le parc environnant.
ça, cest vraiment un bonne idée, économique en plus !
Il y a toujours un "carré" réservé pour les invités étrangers, très bien situé car sur un côté du trône du haut duquel enseigne le Dalai Lama. Mais la place réservée est généralement insuffisante et on est toujours serrés. Alors, comme à lhabitude, je choisis de me mettre parmi les moines et les Tibétains qui eux sont relégués à lextérieur.
Jentends parfaitement la traduction, en anglais bien sūr. Et puis jai des amis moines, que je vois dannée en année. Lun moffre un coussin, lautre des biscuits, cest très sympathique.
Le premier jour, les enseignements ont duré 6h30, sur des commentaires de textes classiques. Il ne faut pas oublier quils sont donnés avant tout à des moines qui suivent de hautes études théologiques. Il sont un peu difficiles à digérer, surtout en anglais. Par chance, le traducteur est tibétain, je comprends très bien son accent !
Depuis cette épreuve, jai décidé dy aller le matin seulement, laprès-midi je reviens au monastère, je travaille pour Tendrel et je vais surtout passer au moins deux heures à lInternet du coin.
Et le soir, cest un vrai bonheur de revenir au crépuscule au monastère, par le petit chemin de terre sous les eucalyptus, les cocotiers et les bananiers.
Sitôt passée le portail, je suis interpellée par Choekyi qui sinquiète de savoir si jai bien mangé, si je veux manger encore, ou prendre ma douche, bref, le quotidien quoi !
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