Joyeux Noël!

Notre "civilisation" occidentale a envahi l’Inde tout autant que le Népal. En fait, on peut parler d’invasion d’une sous-culture américaine qui n’importe hélas, que les travers de nos pays soi-disant "développés".

Donc notre Noël chrétien, qui a déjà perdu tout sens sacré chez nous, est devenu ici une fête totalement païenne, voué au culte... du Père Noël!

Et notre monastère, perdu dans notre fond de jungle, n’a hélas pas été épargné par ce phénomène.

Le monastère m’apparais souvent comme un grand navire, perché sur son flanc de colline comme sur une vague. Autour de nous, ondulent les champs de maïs, patchwork de verdure ponctué de petits villages blancs, qui composent le paysage du territoire tibétain, dont on peut apercevoir nettement les frontières, avec au-delà, la jungle peuplée d’éléphants sauvages, de singes, et habitée par Veerappan et sa bande.

Un peu comme un paquebot qui croiserait au large de terres dangereuses où il ne pourrait accoster.

De même que la cargaison humaine d’un grand navire de croisière, nous sommes enfermés dans ce monde clos, avec l’impossibilité d’en sortir, à cause de la présence de notre bandit local, presque coupés du monde extérieur tant les moyens de communication demeurent précaires.

Et le soir de Noël, notre navire s’est illuminé pour une fête incongrue, dont Noël n’était que le prétexte, et pourtant très présent, pris au sérieux surtout par notre équipage de moines plus soucieux que nous de décorer les lieux de guirlandes et de servir un banquet digne de l’événement.

Un palmier nous tenait lieu de sapin, sur lequel on avait disposé une guirlande électrique clignotante. Et pour évoquer cette ambiance, on nous avait affublés de chapeaux évoquant l’image symbolique de cette fête.

Singapour nous avait envoyé des chapeaux de Père Noël ornés d’étoiles clignotantes, mais le comble du mauvais goût fut atteint par les australiens qui avaient importés des coiffures en forme de cornes de rennes, sur lesquelles clignotaient de petites lampes, au son d’une musiquette de Noël!

Nous avons mangé indien, mais bu français avec du champagne et du vin rouge, et même du pastis - le tout importé par nos retraitants - fait un spectacle à l’américaine - style comédie musicale - et dansé sur de la techno! Tout cela servi par des moines tibétains!

Je ne crois pas qu’aucune agence de voyage puisse oser proposer un tel réveillon!

Mais le plus surréaliste fut atteint lorsque à la fin de la soirée, une fois les invités dispersés, nos moines très sérieusement occupés à ranger et à nettoyer, eurent orné leur crane rasé des cornes de rennes musicales et clignotantes!

On avait juste oublié quelque chose: c’est que cette occasion célébrait la naissance d’un petit enfant sauveur de l’humanité, en fait l’égale de Bouddha!