Je ne vous ai pas écrit depuis longtemps mais il faut dire que ces dernières semaines ont été plus que pleines d’activités et d’aventures.

Evidemment je n’ai pas de quoi m’ennuyer même dans le quotidien, mais lorsqu’on bouge un peu ici, alors les évènements prennent soudain une ampleur insoupçonnée.

Bref, début octobre, je suis partie faire un trek. Moi qui ne suis pas sportive, chacun sait cela, me suis laissée embarquée dans cette aventure. En fait, je n’avais que deux inscrits pour ce trek, un couple d’amis qui tenaient à m’avoir avec eux, et qui m’ont donc payé le trek pour que j’y participe. J’avais organisé cela avec notre agence partenaire, et convenu avec eux que nous louerions des yacks pour monter car à l’évidence je n’avais pas les qualités sportives requises !

En fait il s’agissait plus d’un pèlerinage, puisque nous voulions séjourner avant tout au monastère de Tengboché qui se trouve sur la route du camp de base de l’Everest (que nous appellerons de son véritable nom népalais : Sagarmatha). Il n’y a aucun autre moyen de parvenir à ce monastère, que la marche ou l’hélicoptère !

Nous sommes donc partis pour un trek de 11 jours, avec un guide et deux porteurs. Nous avons d’abord pris un petit avion qui nous a déposés sur l’altiport de Lukla, à 2800m, et de là avons commencé à marcher. Nous étions donc dans le Solu Khumbu, en pays Sherpa, qui offre des paysages d’une spectaculaire beauté.

Mais dès la première étape, à Phakding, les choses se sont corsées lorsque nous avons appris qu’il n’y avait aucun yack à louer sur ce chemin de trek avant Namché Bazar, à 3500m, et la montée sur Namché Bazar est réputée - à juste titre - comme étant redoutable. Nous étions non seulement dépités, mais plus encore furieux après l’agence qui nous avait laissés nous fourvoyer ainsi. A Phakding, on nous proposait bien des chevaux pour la modique somme de 60$ par jour. Nous avons décliné l’offre, et décidé de parcourir l’étape du lendemain, pour voir comment je pouvais m’en tirer. En fait, je suis arrivée à Monjo, après trois heures de marche, complètement épuisée, car pas du tout préparée à cette épreuve sportive.

Pour comble, le mari du couple est tombé malade.

A Monjo, on nous proposait encore des chevaux, mais le prix avait augmenté, ils étaient à présent à 80$ par jour !

Que faire ? nous nous sentions piégés, impossible de refaire les deux jours de trajet en sens inverse, pour attendre 8 jours à Lukla notre avion de retour.

Nous avons donc opté pour les chevaux, et le lendemain, nous voilà partis pour une cavalcade infernale. Car croire que c’était plus facile à cheval qu’à pied est réellement une utopie ! Certes, cela paraissait plus reposant, mais avez-vous une idée de ce que représente un chemin de trek qui grimpe à flanc de montagne, composé pour la plupart du temps de véritables escaliers de pierres, que le cheval doit franchir en sautant. Cramponnés à la crinière, il fallait pouvoir garder son équilibre. Sans compter les descentes, tout aussi périlleuses. Ajoutez à cela l’étroitesse du sentier qui nous faisait côtoyer le vide, vous aurez une idée de ce que fut notre " chevauchée ". Les trekkeurs que nous croisions prenaient en photo notre équipée fantastique, car en plus du guide et des porteurs, 2 " horsemen " nous accompagnaient, donc 5 hommes au total pour nous permettre de franchir les obstacles ! Dans les parties faciles, les hommes couraient aux côtés des chevaux, et dans les parties difficiles, les plus nombreuses, ils aidaient le cheval !

Mais je dois avouer que tous se montrèrent à la hauteur de la situation, prenant extrêmement bien soin de nous.

Bref, je passe sur les détails, nous sommes arrivés à Namché Bazar, étape célèbre sur la route du Sagarmatha, où nous avons enfin croisé des caravanes de yacks en provenance du Tibet, dans une ambiance semblable à celle du film Himalaya.

Le lendemain, nous avons parcouru l’étape jusqu’au monastère de Tengboché juché à 3900m, itinéraire splendide sur lequel on jouit d’une vue extraordinaire sur l’Ama Dablang, le sommet le plus beau de l’Himalaya selon l’avis général.

Le Sagarmatha, pour être le sommet le plus haut du monde, n’est pas franchement très beau. Il apparaît au milieu de sommets presqu’aussi hauts que lui, puisque ses voisins affichent entre 8300 et 8500m. Mais il n’en demeure pas moins que la vue sur tout le massif est magnifique.

Le monastère de Tengboché est merveilleusement situé dans une clairière, comme un joyau dans un écrin de montagne. On y jouit des plus belles vues sur les différents massifs environnants, dont celui du Sagarmatha bien sur.

Nous sommes donc restés trois jours dans ce cadre idyllique, dans une petite guesthouse sommaire mais véritable étape gastronomique. Nous y avons croisés un couple de français, obligés d’y rester car le mari s’était fait " encorner " par un dzo (croisement entre un yack et une vache), ce qui lui avait valu plusieurs points de suture. Et oui, le danger ne vient pas forcément d’où on l’attend !

Il faisait très froid, surtout la nuit, et je ressentais les effets de l’altitude : nausées et difficultés respiratoires. Mais cela ne m’a pas empêchée de gravir un petit sentier qui s’élevait à l’aplomb du monastère pour jouir d’une vue plongeante, et ainsi faisant je suis montée à plus de 4000m, en m’arrêtant tous les trois pas pour reprendre mon souffle.

Nous avons décidé aussi, pour entretenir notre forme, de faire une petite balade jusqu’au village de Pangboché, au pied de l’Ama Dablang, à 4000m, ce qui nous a pris la journée, mais à part pour le souffle, la montée n’offrait pas de grosses difficultés.

Nous avons repris les chevaux pour redescendre d’une seule traite jusqu’à Monjo, ceci afin d’économiser une journée, mais là, ce fut vraiment une étape pénible car nous avons dû faire la difficile descente de Tengboché à pied, prendre nos chevaux au niveau de la rivière, remonter jusqu’à Namché Bazar, puis redescendre à Monjo par la non moins difficile descente.

Ensuite, retour à Lukla où nous avons repris l’avion jusqu’à Katmandou.

Et que croyez-vous ? Et bien le directeur de l’agence, un français, tout à fait conscient de son erreur, nous a entièrement remboursé les chevaux, et pris en charge les surplus de frais à titre de dédommagement. Chapeau !



Ensuite est venu le temps pour moi de quitter le Népal, mon visa 2004 prenant fin. Toujours accompagnée de mon couple d’amis, j’ai pris le chemin de l’Inde.

Mais bon, avec les tibétains, tout départ prend la forme d’une caravane ! Nous sommes donc partis accompagnés d’un Rinpoché que nous devions aider à passer la frontière, avec dans nos bagages ses cadeaux pour le Dalaï Lama (statue de bouddha, stupa en or et cuivre, pierres précieuses), une veste en peau de bête et des chaussures pour la famille de Nyima, et enfin 150 000Roupies indiennes, qu’un cousin de Nyima nous avait confié avant de gagner l’Inde lui-même (il faut savoir que je fais souvent la passeuse de fonds, tout argent trouvé sur les réfugiés, que ce soit par la police népalaise comme indienne, leur est immédiatement " confisqué ").

Autant vous dire que nous étions attendus avec intérêt de l’autre côté de la frontière, par les disciples du Rinpoché et la famille de Nyima. Nous avons d’ailleurs été accueillis superbement à Bir, où nous sommes restés trois jours à l’occasion de la visite du Dalaï Lama.



Après le départ de mes amis, le 30 novembre, je suis partie pour le sud de l’Inde. En fait, j’ai un peu modifié mes habitudes, et j’ai décidé de ne pas aller au monastère Dzogchen

(...)

Mais j’ai d’autres ressources en Inde du sud, et notamment le Monastère Sakya implanté sur le territoire de Bylakuppe, non loin de l’Université monastique de Sera. Il se trouve que j’ai un peu aidé ce monastère l’année dernière, et ils m’ont envoyé une charmante invitation à l’occasion de la visite du Dalaï Lama à Bylakuppe (et oui, il me suit partout !)

Et là, pour le coup, j’ai eu un accueil royal. Ils sont venus me chercher en voiture jusqu’à Bangalore où ils m’avaient réservé une chambre d’hôtel, et le lendemain, nous avons fait les 6 heures de route nécessaires pour rejoindre Bylakuppe, dans la grosse voiture du monastère.

On m’a installé dans une immense chambre, et deux moines sont à mon service, (mais comme il se mettent en quatre, ça fait beaucoup !)

Je ne manque de rien, je sois dire même que je suis en train de monter une épicerie avec tout ce que l’on me donne : eau minérale, lessive, savons, papier toilette, encens, bougies.

Mes repas sont si copieux que je ne peux arriver au bout. Pour ne pas vexer les moines qui se plient à mes moindres désirs, j’use d’une ruse : je mets le reste de mes repas dans un sachet que je donne ensuite aux animaux errants. Le problème c’est que du coup le moines pensant que j’ai un bon appétit, m’en servent de plus en plus !.

Je suis environnée d’une ribambelle de petits moinillons, les plus jeunes n’ont que 5 ans !

Mais je dois résister à l’envie de les materner. Les moines plus âgés prennent soin des petits et leur témoignent une tendresse toute virile qui ne laisse aucune place à la sensiblerie. Ils ne manquent pas non plus d’affection de la part des vieux moines, sans doute frustrés de paternité. Bref, ils ne semblent pas malheureux.

(..)

A l’exception de Choekyi, qui me sert, les autres ne parlent pas l’anglais, aussi pas de vaines discussions. C’est pour moi une véritable retraite.

Le Dalaï Lama doit enseigner à partir du 10, jusque là je vis tranquille.